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Photo du rédacteurLes carnets d'Asclépios

VANILLA SKY

Dernière mise à jour : 18 juin



Téléconsultation, intelligence artificielle, eugénisme, patients connectés, transhumanisme, génie génétique, la médecine avance avec son temps et les technologies intègrent cette discipline comme elles intègrent le reste de la société. Ces questions existent depuis longtemps, mais l’accélération exponentielle des technologies nous oblige à réfléchir plus vite et plus souvent.

Qui irait remettre en cause le changement d’une valve cardiaque aujourd’hui ? Personne ! Et pourtant il s’agit bien de transhumanisme. On remplace et améliore la capacité d’un organe défaillant. Aujourd’hui on remplace des valves mais demain le cœur artificiel sera pleinement opérationnel. Cela implique qu’une personne munit de ce cœur ne mourra plus de défaillance cardiaque. Le premier grand tsunami médical ayant amené une augmentation majeure de l’espérance de vie pour l’espèce humaine fût la découverte et l’utilisation des antibiotiques et de la vaccination. Pour globaliser, nous dirons la prise en charge des maladies infectieuses. Ces avancées ne sont évidemment pas remises en question et pour cause, elles ont allongé l’espérance de vie d’une trentaine d’années en un siècle. Le prochain bond sera amorcé par l’augmentation des capacités de notre organisme. Revenons à notre cœur artificiel. L’espérance de vie ne dépendant plus du cœur, nous ôtons des probabilités de défections de notre corps, ainsi, la mortalité ne dépend plus que des organes naturels. Imaginons un peu plus loin que nous soyons en capacité de remplacer reins, poumons, foie et intestins, nous augmenterions encore notre capacité de survie et par corolaire diminuerions les causes de décès.

J’arrête là ma démonstration, mais nous ne pouvons passer à côté de certaines questions : À partir de quand devons-nous nous arrêter dans l’optimisation ? Devons-nous nous arrêter ? Qu’est-ce qui définit l’humain ? Un cerveau humain placé dans un corps complètement artificiel appartient-il encore à l’espèce ? L’humanité est-elle définie par l’esprit ou par l’ensemble corps-esprit ? Sommes-nous prêts à voir émerger une nouvelle espèce Homo sapiens factis créé de toute pièce et s’affranchissant des règles naturelles.

Je me pose ces questions suite au visionnage d’un épisode de la série Black Mirror intitulé « San Junipero » (épisode 4 saison 3). J’aurais pu me la poser après avoir vu « Ouvre les yeux » ou « Vanilla sky » ou « Matrix » ou « Ready player one » qui tous traitent de l’artificialisation de l’expérience de vie.

Petit résumé susceptible de dévoiler l’intrigue : Dans un avenir très proche, il a été créé une interface de réalité virtuelle pour que des personnes tétraplégiques voire en état végétatifs puissent « vivre » dans un monde artificiel, monde dans lequel ils leur sont possible d’interagir physiquement et émotionnellement dans une illusion de corps fonctionnel. L’interface permet à n’importe quelle personne, même valide, de venir visiter le proche dans ce monde, qui s’appelle San Junipero, et de pouvoir ainsi discuter, jouer, toucher l’être aimé. À défaut de pouvoir réparer le corps, il est possible de libérer l’esprit de son entrave de chaire pour qu’il puisse s’épanouir en rencontrant de vraies personnes elles même emprisonnées dans leur corps.

Si l’on considère que l’on est défini seulement par l’esprit, alors il ne se pose pas de problème. Si l’on considère que nous sommes humains par l’interaction du corps et de l’esprit dans un environnement naturel, cela pose question. En même temps, est-ce humain de laisser un individu emprisonner dans un corps défaillant là où il est possible de lui faire ressentir la sensation de courir, de danser, de nager, de faire l’amour…

Mais la série va un peu plus loin. Il est possible de transférer son esprit dans une sorte de disque-dur afin qu’après la mort il soit possible de rester dans ce fameux monde numérique.

Et l’Homme créa le paradis.

On est en droit de se demander ce qui relève du réel. Est-ce que l’Humanité peut se priver du réel ? Est-ce que des stimuli reproduisant olfactivement, visuellement, tactilement, émotionnellement et auditivement notre environnement peuvent se substituer au monde physique connu ?

Tout ceci semble utopique mais ça ne l’est pas. Nous y sommes, ce monde existe déjà. Aujourd’hui il est possible de déplacer des objets avec la pensée, il est possible de redonner la vue aux aveugles, les mondes de réalités virtuelles n’ont jamais été aussi réels. Toutes ces questions sont fondamentales et oblige chacun d’entre nous d’y réfléchir pour discuter du monde que nous souhaitons fabriquer ensemble. Dans la courbe exponentielle de l’évolution des technologies, il est impossible de se tenir informé de l’ensemble des mises à jour. Il y a cent ans, nous pouvions être amateur éclairé dans l’ensemble des avancées technologiques, aujourd’hui il ne se passe pas un jour sans qu’une invention majeure ne soit dévoilée.

La société civile, les gouvernements, les collèges scientifiques et autres comités d’éthique sont tous dépassés sur le sujet. Trop obnubilés à traiter des interrogations technologiques apparues il y a plus de dix ans, la science galope quand la conscience claudique.

Le monde de demain est arrivé hier et nous sommes déjà en train de courir derrière. Les institutions d’état qui date d’autres siècles sont sclérosées par leur propre poids. Il convient donc à chacun d’extraire l’information, de faire preuve de réflexion et de changer les législations pour dompter cette folie qu’est la science sauvage.


« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » Rabelais.





Iconographie: Le ciel vanille dans La Seine à Argenteuil de Claune Monet.







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