Il est curieux de constater que les grands médecins réformateurs et précurseurs sont souvent en opposition avec le système en place à leur époque. Le système archaïque est mené par des personnes dépassées qui s’accrochent et luttent pour leur propre survie. Ce qui était vrai hier l’est toujours aujourd’hui et ce n’est pas le docteur Hodgkin qui aurait dit le contraire.
C’est en Août 1798 que le jeune Thomas voit le jour dans la région londonienne. D’origine modeste, la famille offre un terreau de savoir et de culture par le biais de son père, John Hodgkin, enseignant de son état. S’il apporte à son fils l’envie d’apprendre, la société religieuse « des amis » dont font partis les deux parents va transmettre les valeurs morales. Ce mouvement religieux, s’il bannit toute forme de loisir oisif, va inculquer les notions de rigueur dans le travail ainsi que de partage et de charité.
C’est dans cette bulle que se développe l’enfant. Très rapidement ses appétences se portent sur les sciences dans lesquelles il montre de grandes facilités. Adolescent, il maitrise les grands principes physiques et chimiques de son époque. En plus d’être bien élevé en conversant admirablement dans sa langue maternelle, il maitrise magnifiquement le latin, le français, l’italien, l’espagnol et l’allemand. Autant dire que le jeune provincial est bien armé pour affronter la vie.
Après s’être cherché pendant quelques années, il intègre l’école de médecine d’Edimbourg. Il se fait remarquer auprès des étudiants mais surtout auprès de ses enseignants en critiquant ouvertement le manque de rigueurs de ces derniers dans la pédagogie qu’ils appliquent mais surtout sur la qualité de leurs connaissances.
Difficile d’étudier lorsqu’on dépasse les capacités de ses maîtres.
Bref, l’étudiant s’ennui et décide d’exalter ses connaissances en France. Il a Vingt-trois ans lorsqu’il rencontre le docteur Laennec à Paris. Ce médecin français a marqué la discipline par une invention révolutionnaire, celle du stéthoscope. Si la communauté médicale se moque de son ustensile, Thomas Hodgkin est persuadé de son efficacité. C’est alors qu’il développe une sagacité dans la clinique. Il apprend à examiner patiemment les malades, à palper, à écouter, à différencier les bruits, il percute le thorax, il scrute les variations cutanées, il devient un clinicien hors pair apprenant à lire le corps comme un livre ouvert. De là lui vient cette certitude, le siège des maladies est à rechercher dans les tissus et les organes. Cette intuition est juste et déterminera sa spécialisation, l’anatomopathologie. Fort de cette expérience, il rentre en Angleterre avec l’invention de Laennec dans la valise.
Il présente sa thèse en 1823 et devient donc le docteur Hodgkin. Il décide de parfaire ses connaissances en retournant en France, en Suisse puis en Italie.
A la fin de son périple, il regagne la capitale anglaise dans laquelle il décide de mettre ses connaissances aux profits des défavorisés. Profondément simple et humain, il passe deux années dans les dispensaires à offrir ses soins sans réclamer le moindre honoraire. En parallèle, il pratique au Guy’s hospital de Londres et devient membre de la royal college of physicians.
Il obtient très rapidement le rang de professeur de médecine et décide d’utiliser ce statut pour développer l’anatomoclinique qui consiste à mettre en parallèle les tableaux cliniques élaborés au lit du patient avec les lésions anatomiques grâce à l’étude des tissus et aux l’autopsies. En moins de trois ans, il devient pionnier et est encore réputé aujourd’hui comme le plus grand anatomopathologiste de son époque. Il publie des centaines de descriptions de pathologies dont la description de l’inflammation de l’appendice vermiforme et de sa complication, l’infection du péritoine plus connues sous les noms d’appendicite et de péritonite. Des théories farfelues diront certains, elles seront pour beaucoup confirmées des années plus tard lorsque les moyens techniques le permettront.
L’autre description majeure du pathologiste se trouve être la pathologie qui porte encore son nom aujourd’hui : la maladie de Hodgkin.
Alors que son projet consiste à étudier les tumeurs de la rate et des ganglions, il s’attarde sur l’étude de tumeurs particulières. Il décrit ainsi une cohorte de patients auxquels il attribue une même correspondance clinique qu’il nomme lymphogranulomatose maligne. Les travaux seront précisés plus tard et notamment avec l’utilisation du microscope. En hommage à sa clairvoyance, cette pathologie lymphomateuse portera son nom.
On lui doit également la description et l’élaboration de classifications des tumeurs ainsi qu’une étude des pathologies des séreuses et des tissus cardiaques.
Toujours très impliqué dans l’humanitaire, en Angleterre pour commencer mais également en Afrique ou en Amérique, il rapporte de son activité une théorie sur l’importance de la prévention par l’alimentation, le sommeil et la pratique d’un exercice physique régulier. Autant de concepts jugés inutiles par ses paires car non techniques et peu lucratifs. C’est pourtant là les piliers de la médecine préventive.
C’est son penchant pour le socialisme qui causera sa perte. Partie prenante dans les mouvements de luttes contre le racisme et contre l’esclavage, il sera ouvertement évincé de ses multiples fonctions pour avoir tenu sur ses positions. Ecœuré par le système, il abandonne la médecine et décide de se consacrer à la littérature, la géographie et monte la société d’ethnologie.
Il occupe ses dernières années de vie par les voyages, notamment au proche orient ou il terminera sa vie.
Le docteur Hodgkin est le symbole des hommes qui font avancer la Science mais qui se heurtent aux petits chefs soucieux de conforter leur pouvoir plutôt que de laisser la place aux esprits lumineux. Ainsi va l’humanité, poussée par la croyance et le pouvoir au détriment de la science et du devoir.
« A man distinguished alike for scientific attainments, medical skill and self-sacrificing philanthropy. »
Un homme s’étant distingué par ses réalisations scientifiques, ses compétences médicales et une abnégation dans la philanthropie.
Epitaphe ornant la tombe de sir Thomas Hodgkin
Iconographie: Photographie du professeur Thomas Hodgkin
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