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Photo du rédacteurLes carnets d'Asclépios

ORDINATUEUR

Dernière mise à jour : 9 mai



Depuis quelques années, la souffrance des soignants est devenue un sujet récurrent de l’actualité. Si les motifs sont nombreux (manque de personnel, manque de moyens, sensation du travail empêché, déconsidération, salaires insuffisants, agressivité, insuffisance de formation, …), il y en est un qui se faufile insidieusement parmi les autres : l’informatique.

Depuis l’entre deux millénaires, l’informatique s’est invité dans le fonctionnement hospitalier. Le bénéfice avancé était de garantir une sécurité médicolégale. C’est-à-dire que tout ce qui est prescrit, effectué, réceptionné pour le patient est retranscrit sans risque de disparaître. On notera également un gain de place par la simplicité de stockage des dossiers dans des serveurs plutôt que sous des montagnes de papier.

Voilà pour ce qui est des avantages. Les conséquences, elles, sont considérables.

On parlera déjà du coût. Il est difficile d’estimer la somme exacte de l’informatisation du système de santé, mais si l’on se fie aux rapports parlementaires faisant mention des dépenses relatives au matériel (postes informatiques, souris, claviers, imprimantes, réseaux ,…), aux prix des logiciels (vendus très cher par des organismes privés), ainsi que la maintenance et l’entretien, on dépasse plusieurs dizaines de milliard d’euros.

Mais le coût n’est pas que pécuniaire, ces systèmes sont chronophages et épuisent les équipes.

Prenez la lecture d’une radiographie. A l’époque, vous sortiez le cliché de sa pochette et il suffisait d’incliner la tête face à une source de lumière. Maintenant, il faut ouvrir un logiciel dédié, entrer son identifiant et mot de passe (sécurité oblige), ouvrir l’examen, attendre que le tout se charge et enfin vous avez accès à l’image. On perd quelques minutes. Alors que sont deux minutes dans une journée ? Rien. Mais associées aux deux minutes ici, trois par là et dix par ci, la journée se raccourcie.

Maintenant vous souhaitez prescrire les médicaments du patient qui arrive dans votre unité. Vous ouvrez le logiciel, identifiant, mot de passe, et vous tapez dans la barre de recherche le médicament souhaité.

PAR… le logiciel mouline pour chercher parmi les milliers de références disponibles. PARACETAMOL, vous devez sélectionner dans la liste de 30 possibilités : simple ou codéiné, gélule ou comprimé, par la bouche ou intraveineux, 500 ou 1000. Une fois la sélection faite, il faut choisir la posologie, matin, midi, matin-midi, matin-soir, ….

Je raccourcis ma démonstration mais c’est une dizaine de choix et d’éléments à valider pour UN médicament. Imaginez lorsqu’il y en a 5, 10, 15, 20 !

C’est long. Ça l’est encore plus quand la machine rame. J’ai remplacé dans une petite structure bourguignonne où je m’étais « amusé » à calculer le temps de charge entre deux sélections. Je suis arrivé à 6 minutes 30 pour prescrire du paracétamol. Il s’agit d’un extrême, mais tout de même.

Cette description est celle d’une retranscription de traitement sans que l’ordinateur ne plante où que ce qui a été sélectionné ne disparaisse dans les limbes du flux numérique. Alors quand la fiabilité s’en mêle, je vous laisse imaginer.

SI je garde l’exemple du « PARACETAMOL 1000mg cpr PO 1.0.1 », à l’époque du papier, lorsque vous étiez rigoureux lors de la rédaction de vos prescriptions, il ne restait que peu de place pour le doute.

Par contre, lors des prescriptions informatiques, il existe de multiples lignes à cocher avec parfois des validations par défaut. Ainsi, on se retrouve avec des erreurs. En effet, il est plus aisé de se tromper en cochant dix lignes sur un logiciel qu’en écrivant ce que l’on veut vraiment.

Ceci est vrai pour toutes les actions hospitalières : demandes d’examens, déplacements de patients, isolements, demandes de soins de suites, …

Depuis les années 2000, on serait en droit d’attendre des bénéfices de la technologie. J’ai été atterré de voir qu’il m’était impossible d’ajouter une photographie de plaie dans le dossier informatique d’un patient: obligation de l’imprimer puis de la scanner…

Ce qui devait être une aide est en fait une contrainte. Sous couvert de bons sentiments et d’« obligation médicolégale » on a imposé un système délétère pour le bon fonctionnement hospitaliser. Le temps perdu à utiliser l’outils est énorme et les répercussions catastrophiques.

Voilà le constat.

Alors que peut-on proposer ?

L’arrêt de l’informatique ?

Je pense que le débat mérite d’être ouvert. Si nous étions le meilleur système de santé du monde dans le pays le plus riche, je dirais que non. Mais nous ne sommes ni dans l’un, ni dans l’autre. Avons-nous la possibilité de vivre au-dessus de nos moyens ? Nous ne sommes plus capables de faire fonctionner l’hôpital. Nous manquons d’humains et de moyens, alors faisons des coupes dans le matériel plutôt que le personnel. Ce paragraphe est bon pour la rhétorique car dans les faits, impossible de revenir en arrière.

L’autre option serait de dépenser mieux.

Première proposition : chaque hôpital négocie avec les prestataires pour mettre en place tel ou tel logiciel. Les petites structures n’ont d’autre choix que de payer très cher ou bien de se contenter du bas de gamme.

Pourquoi ne pas uniformiser l’ensemble du système public ? Marché énorme, donc appel d’offre importante donc capacité de négociation et ristourne énorme. Même combat pour le matériel informatique.

deuxième proposition : offrir un système au service des professionnels. Les ordinateurs prennent de la place, ne sont pas transportable. Il existe des tablettes qui permettent d’utiliser des logiciels médicaux simple. Plusieurs onglets avec la biologie, les observations, les traitements, les antécédents, les résultats d’examens. Passage de l’un à l’autre avec un clic et possibilité de prescrire avec des menus déroulants grossis pour la simplicité d’utilisation. Tablette toujours au bout de la main au lit du patient permettant une visite dans les chambres et non plus dans les bureaux.


Dans le pire des cas, une optimisation du matériel en place serait déjà une belle avancée.

J’estime que l’on doit repenser totalement notre politique hospitalière et cela passe par l’outil rendu indispensable mais qui ne l’est pas tellement. Lors des pannes informatiques, nous pouvons toujours écouter un cœur, interroger un patient et demander à l’infirmière d’administrer un traitement.

L’informatique est révélé dans plusieurs études comme un facteur de stress et de surmenage dans les professions médicales. Une étude il y a quelques années l’avait même placé comme principale cause de burnout chez le médecin généraliste.

Reste à voir ce que nous souhaitons faire de notre avenir.




Iconographie: Adobe Photoshop 2021 par Aries Moross







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