top of page
Photo du rédacteurLes carnets d'Asclépios

LA MÉDECINE, UNE SCIENCE?

Dernière mise à jour : 13 mai


La médecine. Un étendard porté par certain comme une science, par d’autres comme un recours de pointe à la fragilité du corps humain, mais au final, est-ce réellement si scientifique que ça ?

On dit qu’en science les mêmes causes produisent les mêmes effets. Qu’en est-il d’une science où il est impossible de reproduire les mêmes effets ?

Je m’explique :

Prenons la chimie. En conditions de températures et de pressions équivalentes, les réactions d’électrolyse de l’eau en oxygène et en hydrogène seront reproductibles à l’infini.

Prenons la biologie. Avec la même hydratation, nutrition, température, pression, éclairage et partant de souches identiques, il est possible de faire croitre des populations de champignons de manière reproductible.

On voit déjà que le deuxième exemple nécessite beaucoup plus de conditions. L’augmentation des mécanismes interagissant entre eux amène à générer un système complexe dont l’interaction entre chaque rouage, s’il n’est pas connu, ne permet plus de parler de science.

Ainsi, le fonctionnement du corps humain, cette machine que doit réparer le médecin sans en posséder les plans (pour paraphraser le docteur Lucien Israël), et l’un de ces systèmes complexes pour lesquels plusieurs systèmes sont connus et compris de manière indépendante mais dont la cohésion totale reste encore un mystère.

Exemple simple :

Prenons mille personnes atteintes d’une poussée d’insuffisance cardiaque. Les pathologies ayant fragilisées le cœur seront différentes. Prenons les personnes pour lesquelles le cœur a été fragilisé par ce qu’on appelle une cause ischémique, c’est à dire que les artères qui vascularisent le cœur se sont à un moment bouchées, et que le muscle cardiaque en aval a nécrosé.

Sur ces individus en poussée d’insuffisance cardiaque et souffrant d’insuffisances cardiaques ischémiques, chacun se verra diminué à un degré différent. Celui-ci conservera une contraction cardiaque à 45% de la normale, celui-là à 30%, l’autre à 47…

Gardons, toujours dans l’optique de partir du même référentiel, les personnes atteintes d’une insuffisance cardiaque ischémique avec une contractilité séquellaire de 40%. On peut encore trier en fonction de la localisation de la nécrose : plutôt en avant du cœur, à l’arrière, sur le ventricule gauche, sur le droit…

Petite digression : Si l’on prend 10 personnes, homme ou femme, et qu’on leur fait faire pendant 4 semaines, des séances de musculation du muscle biceps droit de durées égales, nous aurions à la fin du mois d’entrainement des variations de volume et de diamètre du muscle allant du simple au double.

Or, le cœur est un muscle, donc, pour revenir à la démonstration, en admettant que nous ayons sélectionné dans le panel de décompensation cardiaque, seulement les personnes souffrant au préalable d’insuffisance cardiaque ischémique avec une fonction cardiaque résiduelle de 40% ayant plutôt nécrosé leur ventricule gauche, nous avons encore des variations interindividuelles en ce qui concerne l’épaisseur, la taille ou la densité du muscle sain.

Après cet écrémage, on peut encore, pour être homogène, sélectionner sur les critères de sexe et d’âge.

Admettons alors, sélectionné dans la description précédente, un groupe d’hommes de 63 ans.

Nous les traitons par un médicament Lambda.

Il reste que chaque organisme va assimiler différemment le médicament au niveau digestif, de par son propre système mais aussi en fonction de l’heure de prise ou des aliments ingérés. Ensuite chaque système hépatique (le foie) va métaboliser le médicament différemment. Après il faut encore discuter des reins qui peuvent fonctionner à des degrés différents et, tout cela, sans avoir considéré les autres antécédents médicaux du patient : poids, tabac, tension artérielle, diabète, bronchite chronique, ou l’une des dix mille autres maladies connues… sans compter les inconnues.

Bref, considérer les mêmes effets sans avoir en amont les mêmes causes et conditions rend difficile en médecine l’émission de règles.

La médecine est donc plutôt à considérer comme un art au carrefour de plusieurs sciences comme l’écrit Georges Canguilhem.

La médecine se place au carrefour de la chimie, de la psychologie, de la physique, de la sociologie, de la biologie, de la philosophie, de la mécanique, de la virologie, de la génétique, de la biochimie, …

Mais dire que c’est un art est une chose, le définir en est une autre.

Lorsque j’étais étudiant en deuxième année, un professeur nous avait interrogé sur ce qu’est la médecine. Il avait conclu que notre art résidait dans le diagnostic.

J’ai longtemps émis une certaine fierté à le répéter. Mais le croire, c’est ne rien comprendre à la médecine.

Certes, une grande partie de la pratique découle du diagnostic qui, il vaut mieux pour le patient, doit être le bon.

Mais que faire une fois que le diagnostic est posé ?

Il faut l’expliquer au patient, et c’est un art. Il faut le faire comprendre et c’est un art. Il faut savoir l‘intégrer dans le contexte organique, social, économique, génétique du patient. Ce n’est pas la même chose de prendre en charge un AVC chez un patient jeune et riche de 30 ans et chez une vieille dame pauvre, démente et grabataire de 90 ans.

Il faut l’intégrer dans le contexte psychique, sociale, familiale du patient et c’est un art.

L’art est le moyen d’obtenir un résultat par l’effet d’aptitudes naturelles. L’art est aussi l’ensemble des connaissances et des règles d’action dans un domaine particulier. Il peut aussi être l’expression d’un idéal.

L’art de la médecine consiste à imbriquer toutes ces visions de l’organisme en leurs donnant une cohérence globale.

En cela, on comprend qu’il existe autant de médecins qu’il y a de patients.

On comprendra également qu’il est difficile de considérer les effets d’une molécule avant de l’avoir donnée. Mais ces deux thèmes feront l’objet d’une autre publication.




Iconographie: L'Homme de Vitruve, Léonard de Vinci.







13 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

YIN YANG

Commentaires


bottom of page