Quel supplice cruel qu’être un enfant de quarante ans
Prisonnier d’un corps qui devient carcan.
Nous ne sommes que locataire de cette chair
Car lorsque la faucheuse se loupe, l’esprit s’altère.
Voici l’histoire de ce géant qui l’apprit à ses dépens :
Il court, il nage, il vole et il descend,
Les pistes noires, dans la poudreuse, contre le vent,
Mais voilà que les moires en ont décidé autrement
Et en une seconde sa vie bascule,
Il n’a même pas le temps de se dire « je recule ».
La terre se met à tourner autour de son corps désarticulé,
Cette petite girouette vient s’écraser la tête
Et la gravité le fracasse comme une noisette.
A cet instant, vivant, il plane comme une plume
Puis brutalement stoppé entre le marteau et l’enclume.
Une vertèbre se brise et la chaine rachidienne se divise,
Le solide gaillard n’est plus qu’un amas de matière
Quand sa masse fragile s’envole dans l’hélicoptère.
Un homme mature dans le coma s’endort
Et patatras il se réveille, comme un enfant sans corps,
Paraplégie, retard mental, crises de fureur et caprices régressifs
Des mots froids pour un destin sans appel,
Quoi de plus triste qu’un enfant sans rire, sans avenir, à qui on coupe les ailes
Dépossédé de son potentiel, de ses espoirs de devenir.
Régresser sans progresser, dans le nid se hisser,
Le temps recule et le bouscule chez sa mère.
Elle le nourrit, le veille, elle subit ses colères,
Elle l’habille, elle le change, prépare ses remèdes,
Il revient à la chaleur maternelle, seul réconfort et seule aide.
Son esprit immature prisonnier du scaphandre organique
Reste las si fragile et dépendant de nos techniques.
Le vie est fourbe car pour rien elle sanctionne,
Ni punition, ni justice, le seul hasard qui tonne
Et sans préparation, sans entrainement
Le revoilà devenu un enfant.
Iconographie: Dessin d'un enfant de 5 ans
Une belle prose, souvent émouvante et de très belles illustrations. Merci