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Photo du rédacteurLes carnets d'Asclépios

FENÊTRES SECRÈTES

Dernière mise à jour : 27 mai



La médecine est une fenêtre ouverte sur l’homme. Si l’on est attentif et que l’on se concentre sur cette petite meurtrière, l’ouverture nous permet de regarder l’humain sous un jour différent.

L’ensemble des professions en lien avec le public permettent de voir les êtres sous un certain angle et une certaine lumière qui les éclairent sous un profil plus ou moins flatteur. Les banquiers, les serveurs, les postiers, les caissières, les mécaniciens, tous auront des histoires à vous raconter sur des contacts avec leurs semblables, ces organismes appartenant à la grande famille d’Homo Sapiens sapiens. Si ces professions témoignent probablement de situations rocambolesques, en réalité elles ne grattent que la surface de ce que peut présenter un individu. La médecine a cela de particulier qu’elle vient cueillir les personnes plus profondément. Un lit d’hôpital ou le fauteuil d’un cabinet peuvent dévoiler ce qu’il y a de pire ou de meilleurs dans nos natures. Il y a quelques professions qui partagent ce privilège (ou cette malédiction). Je pense aux forces de l’ordre, aux avocats et quelques autres rares professions qui attrapent les existences dans des moments difficiles, souvent de faiblesses, les arrachent à leur environnement pour laisser soudre la nature profonde de l’humanité

C’est difractée dans le prisme du système de soin que l’on peut voir la nature profonde des patients.

On admire certains, alors qu’ils sont malades, qui veillent sur leurs voisins plus malades qu’eux même, un œil sur le lit d’a côté près à appeler l’équipe soignante. Nous sommes parfois surpris de leur participation à relever un patient trop absorbé par la gravité. On entrevoit des familles prendre un peu de temps avec le voisin de chambre de leur proche, offrir quelques minutes qui peuvent valoir une éternité pour ceux qui les reçoivent.

Á côté, on trouve l’homme marié primaire qui profite de ses chimiothérapies pour se masturber devant les infirmières dès qu’elles entrent dans la chambre, on côtoie les gagnepetits jamais avares d’un petit larcin dans la chambre du voisin, on entend les égoïstes qui pensent qu’un problème d’oreiller trop dur doit passer devant les soins et la toilette d’une patiente grabataire. L’éventail humain est large.


On croise les espérants et les désespérés, les croyants et les athées, les voyants, les dévoyés, les brisés et les bruyants, les généreux et les grincheux, les violents et les violés, les aidants et les aimés.


Voici donc ce que l’on peut voir dans nos services. Mais parfois nous arrivons à toucher autre chose qui transcende la personne, on entrevoit un morceau d’histoire qui s’est décollé de l’univers en même temps que l’on arrachait ses femmes et ses hommes à leur existence.

C’est ainsi que derrière le malade, on trouve sa vie, ses relations, ses interactions sur le monde, on contemple tout ce que son existence à créé de variations et d’ondulations sur la réalité. C’est pourquoi, si l’on s’approche assez près de ce petit trou de serrure qui permet de réellement voir le patient, on aperçoit derrière lui tout un monde qui nous était jusque là interdit car le patient obstruait une ouverture dont il est la seule clé. Alors seulement à cet instant, nous dépassons l’immanence de cette personne malade dans son lit d’hôpital pour être transpercé et transporté par la nature transcendantale de l’être humain dans cet univers.


Voici ma place devant la fenêtre de l’humanité à contempler les va-et-vient d’une espèce hors du commun. Je vois passer le défilé humain, l’arche de Noé des personnalités, je suis le témoin silencieux du pire et du mieux, un simple médecin qui n'échangerait sa place pour rien.




Iconographie: Artiste inconnu







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