Un texte sur le fonctionnement hospitalier en période de covid à travers un exemple devenu quotidien du « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? ».
Nous sommes dans un service de médecine polyvalente. Pour les profanes, il s’agit d’un service sans réelle orientation de spécialité, qui accueille des patients présentant des pathologies multiples et variées.
Nous sommes mardi quand une patiente, madame J., arrive via les urgences pour une fièvre, une toux et des difficultés respiratoires… Inutile en cette période d’avoir fait dix ans d’études pour avoir l’étincelle et demander une PCR-covid.
Le fait est que cet examen, même à l’hôpital, se laisse désirer durant quarante-huit à soixante-douze heures, une éternité pour les équipes, obligées de « s’habiller » comme on dit dans le jargon, c’est-à-dire de mettre une blouse de protection, un masque FFP2, des lunettes, une charlotte, des gants, de désinfecter tout le matériel, et ce à chaque entrée dans la chambre. Il faut savoir que tout patient entrant dans le service, quel qu’en soit le motif, est testé.
Nous avons toutefois la possibilité, lorsque celui-ci est réellement suspecté d’une atteinte au covid, de faire réaliser le test en urgence et d’obtenir le résultat en quelques heures.
Pour revenir à madame J., qui présente des troubles respiratoires, je demande donc au personnel du laboratoire de passer la demande en « urgent », ce qui est fait et permet trois heures plus tard de savoir que celle-ci est négative. Les conséquences sont la levée de l’isolement, mais également la réorientation du diagnostic et, donc, du traitement et de la surveillance.
Le lendemain, un patient déjà dans le service présente un pic de fièvre brutal avec difficultés respiratoires et toux. Il est 7 h, l’infirmière a le réflexe de pratiquer un test covid.
À son arrivée, le médecin demande à l’infirmière si le test a été demandé en urgence… A priori, non…
L’infirmière appelle donc la secrétaire du laboratoire, qui elle-même appelle la biologiste, qui répond que le test ne sera pas traité en urgence, car cela n’est pas possible !
Étonnement dans l’équipe : les possibilités d’un jour deviennent les embûches du lendemain.
Deuxième appel de l’infirmière – qui bien évidemment a d’autres problèmes sur le feu – qui se voit de nouveau opposer un refus.
Il faut savoir que l’intérêt pour l’équipe de connaître le statut covid du patient est, certes, de lever les mesures d’isolement, mais aussi d’orienter la prise en charge et la surveillance. Il y va des chances que l’on veut bien donner au patient.
Bref, ma collègue, la docteure T., prend son téléphone et demande à joindre la biologiste.
Les arguments sont effarants…
« Nous avons passé un test en urgence hier et il était négatif, donc c’est non pour aujourd’hui. »
« De toute manière, ça ne change rien pour vous, vous le gardez dans une chambre seule. »
« Si je vous dis oui pour accélérer les demandes, demain ça va recommencer. »
Il y a beaucoup de choses à dire de ces trois affirmations.
Premièrement, la politique de ne plus tester les gens symptomatiques, sous prétexte de parfois tomber sur des patients atteints d’autres pathologies qu’un covid, est digne des sciences occultes.
La biologiste s’ingère également dans la gestion clinique du patient dont elle n’est ni dépositaire ni même compétente pour juger.
Ensuite, elle se pose comme une autorité morale qui – par un abus de pouvoir exercé grâce à son positionnement dans la démarche de soin – souhaite imposer une norme décidée par elle seule et probablement pour son propre confort, qu’elle place au-dessus de celui de l’équipe, et surtout du patient.
Ce qui est valable un jour ne peut être discuté le lendemain, sans méthode ni logique.
Outre la perte de temps pour tous les protagonistes – vingt minutes de temps infirmier, vingt minutes de temps médical, la secrétaire, la biologiste, etc. –, faites le calcul du manque à gagner par l’hôpital pour un problème qui aurait été réglé en cinq minutes avec un peu de conscience professionnelle et moins d’orgueil mal placé…
Malheureusement, ce type de problématique fait partie intégrante du quotidien hospitalier.
L’hôpital public souffre d’un manque de moyens manifeste. En revanche, il y a bien deux choses qui ne s’achètent pas, mais qui s’apprennent, ce sont le bon sens et la bonne volonté.
Au final, c’est toujours le patient qui est lésé au bout de la chaîne, qui n’existe d’ailleurs que pour lui.
Iconographie: La Persistance de la Mémoire de Salvador Dali.
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