Consultation de médecine générale, je suis externe en quatrième année, et ma maitresse de stage reçoit une jeune maman désemparée. Cette dernière souhaite que nous lui remettions un certificat attestant que le papa de son petit garçon de six ans est inapte à s’occuper de l’enfant. Cet ex-couple se partage la garde de l’enfant depuis maintenant un an et demi. La maman nous annonce la gorge serrée qu’elle angoisse à l’idée de laisser son fils dans les mains de son irresponsable d’ex-compagnon. Ne semblant pas disposé à nourrir normalement l’enfant, il serait plus attiré par son ordinateur et les soirées entre amis que par l’éducation et l’occupation du garçon.
La consultante termine son récit les larmes aux yeux. Comment ne pas être impacté par cette détresse de mère célibataire?
Malheureusement il est impossible de rédiger un tel certificat.
La consultation se termine par réassurance, conseils, empathie, serrage de mains, main sur l’épaule… Je ne peux m’empêcher de penser à cet horrible papa.
Trois consultations plus tard, le papa vient consulter. En le voyant arriver je le juge terriblement. Il s’installe, et nous explique qu’il souhaiterait que nous lui rédigions un certificat attestant que la mère est incapable de s’occuper de son fils… Petit beug neuronal. Le papa nous explique, la voix lourde, que son ex-compagne est hystérique, manipulatrice, qu’elle passe plus de temps à chercher les hommes et à sortir avec ses amies qu’à s’occuper de son fils. L’homme semble perdu.
Mon jugement s'effrite, l'homme est touchant. Malheureusement il est impossible de rédiger un tel certificat.
La consultation se termine par une réassurance, conseils, empathie, serrage de mains, main sur l’épaule…
Voilà, je venais d’apprendre deux choses : ne jamais faire de certificat de complaisance et surtout, toujours garder une certaine distance pour se permettre d’ajuster son sens critique.
Iconographie: Les Tentes jumelles de Paul Klee.
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