Une fois n’est pas coutume, je vais vous conter dans ces feuillets de Noël une histoire non pas personnelle mais qui m’a été rapportée par un collègue urgentiste.
Nous sommes quelques jours avant Noël dans une grande ville de l’Est de la France. Si la période est de coutume plutôt heureuse, pour certain la déprime gronde.
Journée brumeuse, ciel bas et épais, air froid et humide, l’ambiance est morose pour les névroses.
Il est huit heures, un médecin prend son poste au centre de régulation des appels du 15 quand un autre, un étage plus bas, arrive en salle des départs SMUR.
La journée débute sans fanfare, quelques appels routiniers mobilisent pompiers et ambulanciers mais rapidement, une alerte va mettre la chaîne sous tension.
C’est à dix heures du matin que l’appel tombe.
« -Allo centre 15, que puis-je pour vous ?
-Il faut venir tout de suite, je viens de voir mon voisin se pendre chez lui ! »
La machine huilée de la régulation se met en place, en moins de deux minutes les informations sont collectées par le médecin régulateur qui pose les questions cruciales : heure, circonstances et localisation.
Il se trouve que le drame a lieu à huit-cents mètres de l’hôpital, de l’autre côté de la voie rapide, dans un quartier formé de hautes tours d’immeubles. Un homme, la soixantaine, s’est pendu à son balcon. C’est son voisin, semblant âgé au jugé de sa voix, qui donne l’alerte.
Les sorties pour suicide par pendaison sont habituellement conclues par un constat de décès, mais là, il y a moins d’un kilomètre à parcourir, le temps d’anoxie du cerveau peut être minimal, la personne a des chances d’être sauvée.
Déclenchement du SMUR, l’équipe se met en branle comme jamais, l’ordre de départ est transmis depuis moins de trente secondes quand la voiture démarre, chaque seconde compte. Gyrophare et sirène ouvrent la mer de voitures en deux, les pneus crissent à chaque virage négocié au cordeau par l’ambulancier, un feu rouge, puis deux, par chance les autres automobilistes les ont vus, ces huit-cents mètres sont les plus intenses de l’histoire du SAMU, l’arrivée se fait sur les lieux, freinage d’urgence devant l’entrée de l’immeuble, les sacs sont sortis du coffre en moins de vingt secondes, ambulancier, infirmer et médecin gravissent les 10 étages comme un seul homme, pénètrent dans l’appartement de la victime dont la porte est par chance restée ouverte, ils traversent le salon pour débarquer sur le balcon où se trouve un homme debout, interloqué.
L’équipe découvre sidérée que le pendu est un homme sans âge, vêtu de rouge et portant une longue barbe blanche. Le voisin ayant donné l’alerte, surement un peu myope, avait pris pour un suicide la pose de cette décoration de Noël grandeur nature…
Heureusement, pas de victime ce jour-là.
« Père Noël au balcon, life-pack en tension »
Iconographie: Inspiré du Golconde de René Magritte, réalisé par Ed Wheeler.
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